Le projet LUXART renouvelle l'étude des pratiques et des théories sur le luxe tout au long du XVe siècle dans l'aire méditerranéenne occidentale, sur laquelle la monarchie aragonaise de Naples (1442-1501) déploie son influence. Cet enjeu, fondamental dans la culture italienne, doit être abordé à la croisée des études littéraires, linguistiques et artistiques. D’une part, les textes sur l’usage de l’argent et sur l’esthétique du luxe, notamment ceux de Giovanni Pontano (1429-1503), sortiront de leur isolement théorique, par l’édition critique (électronique) avec de nouvelles traductions en français. Ils seront, d’autre part, étudiés en symbiose avec les œuvres et objets qu’ils mentionnent, en liant textes et images et en resituant dans ce contexte les œuvres d’un patrimoine artistique jusqu’ici démembré. Du latin au vulgaire napolitain, en passant par le castillan utilisé dans les actes de la chancellerie d'Alphonse V, les textes envisagés permettront de constituer de nouvelles généalogies critiques et de réévaluer un corpus peu sollicité sur la théorie artistique et la consommation ostentatoire de la Renaissance. Le projet est né d’une volonté de dépasser les cloisonnements et d’apporter un regard pluridisciplinaire sur un objet qui prend toute sa cohérence lorsqu’il est étudié à la fois dans une temporalité particulière, le long Quattrocento et dans un espace qui se déploie sur plusieurs aires géographiques, le royaume de Naples et l’Aragon-Catalogne. Pourtant l’historiographie a eu longtemps tendance à laisser de côté le royaume de Naples dans la tradition des études sur la Renaissance d’abord ‘toscano-centrées’. Les thèses controversées de Richard Goldthwaite sur la naissance du capitalisme à la Renaissance s'appuient sur les écrits de Giovanni Pontano, hors du contexte napolitain, alors même que la démonstration de l'auteur ne prend en compte que l'Italie centrale. Avant lui, Michael Baxandall avait analysé le De viris illustribus de Bartolomeo Facio sans l'éclairer des débats de l'humanisme monarchique ; Martin Warnke, dans sa remarquable analyse des conditions de l'artiste de cour en Europe, négligeait de relier les contextes italiens et ibériques, passant ainsi comme à côté de la réalité napolitaine. Les textes de Pontano ont souvent été envisagés du point de vue strictement littéraire, ou par les historiens dans une optique d’histoire de l'éducation ou d’histoire du droit. Les études de culture matérielle, menées à partir des années 2000, ont également eu tendance à s'appuyer sur le corpus de notre projet d'un point de vue théorique, pour illustrer leurs analyses d'une Renaissance limitée au Nord et au centre de l'Italie. Or, entre Espagne et Italie, il existe des caractéristiques proprement méditerranéennes d'un marché des biens de consommation non seulement au sein des élites, mais aussi au-delà, avec l'apparition d'un « populuxe » et d'un luxe aux traits proto-industriels. L'originalité de notre réflexion est de suivre la circulation de notions et de pratiques entre sphères culturelles souvent traitées de manière séparées. Notre objectif sera donc non seulement de resituer les textes-sources dans une chaîne de réflexion qui court de 1440 à 1530, mais aussi de les lier intimement aux objets et œuvres plastiques de leur temps par une interface permettant de circuler des textes aux artefacts qu'ils évoquent. Le travail conjoint de chercheurs dédiés à l’art (images, culture matérielle, objets décoratifs, etc.) d'un côté et aux textes de l'autre servira également de base à une synergie nouvelle entre disciplines afin de cerner au plus près les acteurs de l'époque – mécènes, théoriciens, artistes – et leurs interactions. L'originalité de notre réflexion est de suivre la circulation de notions et de pratiques entre sphères culturelles souvent traitées de manière séparées. Les textes convoqués, de natures différentes, n’ont pas encore été lus comme un ensemble cohérent, alors même qu’ils expriment, à différents niveaux, les codes culturels des mécènes napolitains. Le projet vise à réunir des actes de chancellerie et des lettres diplomatiques émises par le roi, des traités écrits par des humanistes au service du roi – et parfois même secrétaires du souverain (Lorenzo Valla, Giovanni Pontano), des traités issus de l’humanisme méridional à la suite de conversations avec le souverain (Bartolomeo Facio), mais aussi des lettres écrites par des lettrés soit ‘étrangers’ (Francesco Bandini de Baroncelli), soit ‘régnicoles’ (Pietro Summonte) qui dessinent une proto-histoire de l’art méridional. Le projet étudiera les filiations théoriques entre ces corpus et restituera la circulation des savoirs et des normes propres à la cour napolitaine, mais aussi aux élites urbaines et féodales. Le patrimoine artistique des rois aragonais de Naples a quant à lui une histoire particulièrement complexe depuis l'éviction de la dynastie en 1501. Les sculptures, les peintures, l'orfèvrerie, les manuscrits, les textiles ou encore l'architecture ont souffert au mieux de réemplois, au pire de destructions, et le plus souvent ont été éparpillés dans diverses collections occidentales. Dans un premier temps, une exposition virtuelle prendra donc tout son sens dans la restitution de ce patrimoine démembré, qui jusqu'à présent n'a fait l'objet que d'une restitution virtuelle partielle, pour certains manuscrits, au sein d'Europeana Regia, intégré dans Gallica. Ce corpus aura une dimension extensive et exploratoire, dans la mesure où le prisme de la consommation ostentatoire permet d’analyser dans un même mouvement des domaines traditionnellement séparés contrairement aux textes de l’époque1 . Les arts décoratifs et l'ornement sont au cœur de la définition de critère esthétiques, ce qui permet aussi de souligner la place décisive des minorités – en particulier mudéjar – dans les transferts technologiques et esthétiques de la Catalogne à l’Italie puis à la France notamment. Notre méthodologie est à la fois philologique, éditoriale et patrimoniale. Il s’agira d’abord de recenser et d’éditer les sources sur une période que nous définissons comme allant de Lorenzo Valla (à partir de 1435) à Pietro Summonte (1526). Ces textes de nature hétérogène (manuscrits, lettres, incunables) seront transcrits et édités dans leurs langues d’origine (latin, catalan, « italien »), puis traduits en français et en anglais. Ils seront publiés sous forme numérique mais aussi sous forme classique de livre. A partir du corpus textuel nous établirons le corpus matériel. Il s’agit de rechercher, d’identifier, d’analyser et de réunir des reproductions des artefacts et œuvres évoquées dans les textes, ou, le cas échéant, si les sources emploient des termes génériques, d’identifier des objets et œuvres qui correspondent le mieux aux descriptions. Les porteurs du projet mèneront ce travail ardu par des recherches de terrain pour revenir aux sources textuelles et iconographiques. La collecte du corpus iconographique sera également enrichie par un traitement sous forme de notices qui formera la base de l’exposition virtuelle finale. Parallèlement à ce travail de terrain, des workshops scientifiques seront organisés autour de quatre axes liés aux arts du luxe : (i) Le corpus théorique napolitain, paradigme de la Renaissance ? (ii) Réseaux de clientèle, réseaux humanistes (iii) Matérialités des transferts de savoirs et de techniques (iv) Un espace méditerranéen du luxe : appropriations et métissages. Dans le même temps, par des séances régulières faites à distance et en synergie avec ces workshops, un atelier de traduction collective sera mis en place. Nous produirons les résultats de la recherche dans un colloque final, tout en communiquant les avancées dans un carnet de recherches Hypothèses.org. Les résultats seront publiés dans une archive ouverte (HAL) et nous fournirons un plan de gestion des données (DMP). Pour soutenir la recherche future nous demandons un contrat doctoral de trois ans sur un sujet précis qui fera l'objet d'un appel à candidature ainsi qu'un contrat d'IGE sur les deux dernières années pour la prise en charge et le montage de l'exposition virtuelle finale, sans doute via Omeka. Une école doctorale d'été internationale hors budget ANR est envisagée en partenariat avec le centre interuniversitaire CESURA, regroupant les universités de Naples Federico II, Naples l’Orientale, de la Basilicata, de Gérone et d’Avignon couplé avec des partenariats Erasmus, ce qui permet l’échange fructueux d’étudiants et d’enseignants chercheurs. LUXART rentre ainsi parfaitement dans les priorités de l'axe D5 puisqu'il permettra de lier des textes à des représe.

LUXART. CONSOMMER, DÉCRIRE, THÉORISER LE LUXE ET LES ARTS AU XVe SIÈCLE EN MÉDITERRANÉE: LE ROYAUME DE NAPLES / Iacono, Antonietta. - (2022). (Intervento presentato al convegno Luxart. CONSOMMER, DÉCRIRE, THÉORISER LE LUXE ET LES ARTS AU XVe SIÈCLE EN MÉDITERRANÉE: LE ROYAUME DE NAPLES nel 1 gennaio 2024).

LUXART. CONSOMMER, DÉCRIRE, THÉORISER LE LUXE ET LES ARTS AU XVe SIÈCLE EN MÉDITERRANÉE: LE ROYAUME DE NAPLES

Antonietta Iacono
2022

Abstract

Le projet LUXART renouvelle l'étude des pratiques et des théories sur le luxe tout au long du XVe siècle dans l'aire méditerranéenne occidentale, sur laquelle la monarchie aragonaise de Naples (1442-1501) déploie son influence. Cet enjeu, fondamental dans la culture italienne, doit être abordé à la croisée des études littéraires, linguistiques et artistiques. D’une part, les textes sur l’usage de l’argent et sur l’esthétique du luxe, notamment ceux de Giovanni Pontano (1429-1503), sortiront de leur isolement théorique, par l’édition critique (électronique) avec de nouvelles traductions en français. Ils seront, d’autre part, étudiés en symbiose avec les œuvres et objets qu’ils mentionnent, en liant textes et images et en resituant dans ce contexte les œuvres d’un patrimoine artistique jusqu’ici démembré. Du latin au vulgaire napolitain, en passant par le castillan utilisé dans les actes de la chancellerie d'Alphonse V, les textes envisagés permettront de constituer de nouvelles généalogies critiques et de réévaluer un corpus peu sollicité sur la théorie artistique et la consommation ostentatoire de la Renaissance. Le projet est né d’une volonté de dépasser les cloisonnements et d’apporter un regard pluridisciplinaire sur un objet qui prend toute sa cohérence lorsqu’il est étudié à la fois dans une temporalité particulière, le long Quattrocento et dans un espace qui se déploie sur plusieurs aires géographiques, le royaume de Naples et l’Aragon-Catalogne. Pourtant l’historiographie a eu longtemps tendance à laisser de côté le royaume de Naples dans la tradition des études sur la Renaissance d’abord ‘toscano-centrées’. Les thèses controversées de Richard Goldthwaite sur la naissance du capitalisme à la Renaissance s'appuient sur les écrits de Giovanni Pontano, hors du contexte napolitain, alors même que la démonstration de l'auteur ne prend en compte que l'Italie centrale. Avant lui, Michael Baxandall avait analysé le De viris illustribus de Bartolomeo Facio sans l'éclairer des débats de l'humanisme monarchique ; Martin Warnke, dans sa remarquable analyse des conditions de l'artiste de cour en Europe, négligeait de relier les contextes italiens et ibériques, passant ainsi comme à côté de la réalité napolitaine. Les textes de Pontano ont souvent été envisagés du point de vue strictement littéraire, ou par les historiens dans une optique d’histoire de l'éducation ou d’histoire du droit. Les études de culture matérielle, menées à partir des années 2000, ont également eu tendance à s'appuyer sur le corpus de notre projet d'un point de vue théorique, pour illustrer leurs analyses d'une Renaissance limitée au Nord et au centre de l'Italie. Or, entre Espagne et Italie, il existe des caractéristiques proprement méditerranéennes d'un marché des biens de consommation non seulement au sein des élites, mais aussi au-delà, avec l'apparition d'un « populuxe » et d'un luxe aux traits proto-industriels. L'originalité de notre réflexion est de suivre la circulation de notions et de pratiques entre sphères culturelles souvent traitées de manière séparées. Notre objectif sera donc non seulement de resituer les textes-sources dans une chaîne de réflexion qui court de 1440 à 1530, mais aussi de les lier intimement aux objets et œuvres plastiques de leur temps par une interface permettant de circuler des textes aux artefacts qu'ils évoquent. Le travail conjoint de chercheurs dédiés à l’art (images, culture matérielle, objets décoratifs, etc.) d'un côté et aux textes de l'autre servira également de base à une synergie nouvelle entre disciplines afin de cerner au plus près les acteurs de l'époque – mécènes, théoriciens, artistes – et leurs interactions. L'originalité de notre réflexion est de suivre la circulation de notions et de pratiques entre sphères culturelles souvent traitées de manière séparées. Les textes convoqués, de natures différentes, n’ont pas encore été lus comme un ensemble cohérent, alors même qu’ils expriment, à différents niveaux, les codes culturels des mécènes napolitains. Le projet vise à réunir des actes de chancellerie et des lettres diplomatiques émises par le roi, des traités écrits par des humanistes au service du roi – et parfois même secrétaires du souverain (Lorenzo Valla, Giovanni Pontano), des traités issus de l’humanisme méridional à la suite de conversations avec le souverain (Bartolomeo Facio), mais aussi des lettres écrites par des lettrés soit ‘étrangers’ (Francesco Bandini de Baroncelli), soit ‘régnicoles’ (Pietro Summonte) qui dessinent une proto-histoire de l’art méridional. Le projet étudiera les filiations théoriques entre ces corpus et restituera la circulation des savoirs et des normes propres à la cour napolitaine, mais aussi aux élites urbaines et féodales. Le patrimoine artistique des rois aragonais de Naples a quant à lui une histoire particulièrement complexe depuis l'éviction de la dynastie en 1501. Les sculptures, les peintures, l'orfèvrerie, les manuscrits, les textiles ou encore l'architecture ont souffert au mieux de réemplois, au pire de destructions, et le plus souvent ont été éparpillés dans diverses collections occidentales. Dans un premier temps, une exposition virtuelle prendra donc tout son sens dans la restitution de ce patrimoine démembré, qui jusqu'à présent n'a fait l'objet que d'une restitution virtuelle partielle, pour certains manuscrits, au sein d'Europeana Regia, intégré dans Gallica. Ce corpus aura une dimension extensive et exploratoire, dans la mesure où le prisme de la consommation ostentatoire permet d’analyser dans un même mouvement des domaines traditionnellement séparés contrairement aux textes de l’époque1 . Les arts décoratifs et l'ornement sont au cœur de la définition de critère esthétiques, ce qui permet aussi de souligner la place décisive des minorités – en particulier mudéjar – dans les transferts technologiques et esthétiques de la Catalogne à l’Italie puis à la France notamment. Notre méthodologie est à la fois philologique, éditoriale et patrimoniale. Il s’agira d’abord de recenser et d’éditer les sources sur une période que nous définissons comme allant de Lorenzo Valla (à partir de 1435) à Pietro Summonte (1526). Ces textes de nature hétérogène (manuscrits, lettres, incunables) seront transcrits et édités dans leurs langues d’origine (latin, catalan, « italien »), puis traduits en français et en anglais. Ils seront publiés sous forme numérique mais aussi sous forme classique de livre. A partir du corpus textuel nous établirons le corpus matériel. Il s’agit de rechercher, d’identifier, d’analyser et de réunir des reproductions des artefacts et œuvres évoquées dans les textes, ou, le cas échéant, si les sources emploient des termes génériques, d’identifier des objets et œuvres qui correspondent le mieux aux descriptions. Les porteurs du projet mèneront ce travail ardu par des recherches de terrain pour revenir aux sources textuelles et iconographiques. La collecte du corpus iconographique sera également enrichie par un traitement sous forme de notices qui formera la base de l’exposition virtuelle finale. Parallèlement à ce travail de terrain, des workshops scientifiques seront organisés autour de quatre axes liés aux arts du luxe : (i) Le corpus théorique napolitain, paradigme de la Renaissance ? (ii) Réseaux de clientèle, réseaux humanistes (iii) Matérialités des transferts de savoirs et de techniques (iv) Un espace méditerranéen du luxe : appropriations et métissages. Dans le même temps, par des séances régulières faites à distance et en synergie avec ces workshops, un atelier de traduction collective sera mis en place. Nous produirons les résultats de la recherche dans un colloque final, tout en communiquant les avancées dans un carnet de recherches Hypothèses.org. Les résultats seront publiés dans une archive ouverte (HAL) et nous fournirons un plan de gestion des données (DMP). Pour soutenir la recherche future nous demandons un contrat doctoral de trois ans sur un sujet précis qui fera l'objet d'un appel à candidature ainsi qu'un contrat d'IGE sur les deux dernières années pour la prise en charge et le montage de l'exposition virtuelle finale, sans doute via Omeka. Une école doctorale d'été internationale hors budget ANR est envisagée en partenariat avec le centre interuniversitaire CESURA, regroupant les universités de Naples Federico II, Naples l’Orientale, de la Basilicata, de Gérone et d’Avignon couplé avec des partenariats Erasmus, ce qui permet l’échange fructueux d’étudiants et d’enseignants chercheurs. LUXART rentre ainsi parfaitement dans les priorités de l'axe D5 puisqu'il permettra de lier des textes à des représe.
2022
LUXART. CONSOMMER, DÉCRIRE, THÉORISER LE LUXE ET LES ARTS AU XVe SIÈCLE EN MÉDITERRANÉE: LE ROYAUME DE NAPLES / Iacono, Antonietta. - (2022). (Intervento presentato al convegno Luxart. CONSOMMER, DÉCRIRE, THÉORISER LE LUXE ET LES ARTS AU XVe SIÈCLE EN MÉDITERRANÉE: LE ROYAUME DE NAPLES nel 1 gennaio 2024).
File in questo prodotto:
Non ci sono file associati a questo prodotto.

I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.

Utilizza questo identificativo per citare o creare un link a questo documento: https://hdl.handle.net/11588/1007776
Citazioni
  • ???jsp.display-item.citation.pmc??? ND
  • Scopus ND
  • ???jsp.display-item.citation.isi??? ND
social impact