Les penseurs du XXe siècle ont souvent conçu leur tâche comme un dépassement ou un renouvellement de l’apparat conceptuel traditionnel ou voulu marquer un nouveau tournant dans l’histoire de la philosophie. Toujours est-il qu’ils ont souvent repensé la périodisation de cette histoire et se sont notamment interrogés sur le propre de la modernité philosophique. Certains auteurs – notamment Weber – ont essayé de réviser la narration conventionnelle de la modernité occidentale en insistant sur le « désenchantement » du monde comme processus allant du prophétisme juif au capitalisme moderne et consistant en un rejet des médiations magiques, en une dédivinisation de la nature, accompagnés du déclin de l’idée d’un sens éthique du monde : dans cette perspective, l’avènement de la modernité se caractérise surtout par le développement d’une rationalisation progressive de toutes les sphères de la vie. D’autres ont prétendu identifier la marque déterminante de la modernité capable d’expliquer à elle seule les phénomènes essentiels des Temps Modernes (on pense notamment à Heidegger, pour lequel la représentation est la détermination de l’époque moderne). D’autres encore ont questionné – dans le sillage de Marx – les enjeux de la philosophie moderne dans son rapport aux transformations économiques, politiques et sociales de la modernité : la philosophie moderne, son bagage conceptuel, ses apories se comprennent à partir du développement – et des contradictions – de la société bourgeoise (c’est le cas par exemple de Lukács, Horkheimer, Adorno). Les auteurs – et leurs exégètes – ont parfois pris tel ou tel concept comme fil conducteur d’une enquête sur la modernité. Dans Études sur Marx (et Engels), André Tosel écrit que « la philosophie moderne depuis Descartes se présente comme critique ; elle se confond même avec le mouvement d’une critique qui se déborde elle-même, se critique pour s’élargir et s’approfondir, pour se rectifier et se radicaliser » (A. Tosel, Études sur Marx (et Engels). Vers un communisme de la finitude, Paris, Kimé, 1996, p. 7). Cet accent mis sur la « critique » comme clé de compréhension des enjeux pratiques et théoriques du monde moderne nous encourage à interroger la modernité à la lumière de l’approche et des recherches de la première École de Francfort.
Lukács et Horkheimer. Antinomies de la pensée bourgeoise et critique de la raison moderne / Carbone, Raffaele. - (2020).
Lukács et Horkheimer. Antinomies de la pensée bourgeoise et critique de la raison moderne
Raffaele Carbone
2020
Abstract
Les penseurs du XXe siècle ont souvent conçu leur tâche comme un dépassement ou un renouvellement de l’apparat conceptuel traditionnel ou voulu marquer un nouveau tournant dans l’histoire de la philosophie. Toujours est-il qu’ils ont souvent repensé la périodisation de cette histoire et se sont notamment interrogés sur le propre de la modernité philosophique. Certains auteurs – notamment Weber – ont essayé de réviser la narration conventionnelle de la modernité occidentale en insistant sur le « désenchantement » du monde comme processus allant du prophétisme juif au capitalisme moderne et consistant en un rejet des médiations magiques, en une dédivinisation de la nature, accompagnés du déclin de l’idée d’un sens éthique du monde : dans cette perspective, l’avènement de la modernité se caractérise surtout par le développement d’une rationalisation progressive de toutes les sphères de la vie. D’autres ont prétendu identifier la marque déterminante de la modernité capable d’expliquer à elle seule les phénomènes essentiels des Temps Modernes (on pense notamment à Heidegger, pour lequel la représentation est la détermination de l’époque moderne). D’autres encore ont questionné – dans le sillage de Marx – les enjeux de la philosophie moderne dans son rapport aux transformations économiques, politiques et sociales de la modernité : la philosophie moderne, son bagage conceptuel, ses apories se comprennent à partir du développement – et des contradictions – de la société bourgeoise (c’est le cas par exemple de Lukács, Horkheimer, Adorno). Les auteurs – et leurs exégètes – ont parfois pris tel ou tel concept comme fil conducteur d’une enquête sur la modernité. Dans Études sur Marx (et Engels), André Tosel écrit que « la philosophie moderne depuis Descartes se présente comme critique ; elle se confond même avec le mouvement d’une critique qui se déborde elle-même, se critique pour s’élargir et s’approfondir, pour se rectifier et se radicaliser » (A. Tosel, Études sur Marx (et Engels). Vers un communisme de la finitude, Paris, Kimé, 1996, p. 7). Cet accent mis sur la « critique » comme clé de compréhension des enjeux pratiques et théoriques du monde moderne nous encourage à interroger la modernité à la lumière de l’approche et des recherches de la première École de Francfort.I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.