La sphère complexe du droit à la santé peut être utilement explorée à partir des différentes optiques disciplinaires. En privilégiant celle de la psychologie sociale, nous avons considéré le droit à la santé selon l'angle des représentations sociales, en nous basant plus particulièrement sur l’étude des représentations sociales des droits de l’homme. Ce paradigme se réfère, tant théoriquement que méthodologiquement, aux droits en général ou à des typologies particulières de droits relativement à des catégories sociales spécifiques (Doise, 2001 ; Petrillo, 2005). Sur le plan théorique, nous nous sommes référés en particulier à l’approche socio-dynamique, qui dans la lignée des indications conceptuelles fournies à l’origine par Farr et Moscovici (1984) et par Jodelet (1984, 1989) considèrent les droits de l’homme comme des représentations sociales normatives (Doise, 1992 ; Doise et al, 1995). Le caractère normatif des droits de l’homme se réfère d’un côté à l’objectivation et de l'autre à l'ancrage. La première se manifeste par les éléments partagés par une population donnée, le second s’exprime à travers les appartenances socioculturelles et permet de saisir les différences existant entre individus et groupes sociaux. Du reste, ces articulations sont nécessaires si l’on considère les fonctions de notre système de représentations : fonctions éminemment adaptatives de contrôle de l’environnement et d’orientation de l’action. Le caractère « pratique » du savoir de sens commun a été plusieurs fois souligné, étant donné l’importance des représentations dans la vie quotidienne. Nos liens avec les autres qu'ils soient conflictuels ou non, sont dans tous les cas indispensables pour prendre une position par rapport aux divers aspects du monde social. « Qualifier ce savoir de ‘pratique’ ramène à l’expérience dont il dérive, aux domaines et aux conditions dans lesquels il se situe et surtout au fait que la représentation sert à avoir un effet sur le monde et sur les autres. Ceci nous entraîne à analyser ses fonctions et son efficacité sociale » (Jodelet, 1989, p. 56 éd. it.). En ce sens, la santé constitue un domaine privilégié, comme l’a démontré, entre autres, Jodelet par ses travaux de recherche sur les liens entre représentations de la maladie mentale et les interactions avec les malades mentaux (Jodelet, 1987), ou bien entre les représentations du corps et les pratiques d’allaitement (Jodelet et Ohana, 2000). Nous devons donc nous interroger sur les fonctions de la représentation sociale du droit à la santé dans l’adaptation ‘pratique’ du sujet à son environnement. La diffusion croissante dans la société de la « mentalité juridique » a introduit l’affirmation codifiée des droits de l’homme. D'une part, le commun des mortels se comporte comme une sorte de « juge dilettante », il s’approprie des principes juridiques et s'en sert comme caisse de résonance selon les caractéristiques propres à la pensée naturelle. D’autre part, le rôle de la représentation sociale des droits de l’homme peut aussi bien servir à soutenir l’assimilation du savoir juridique qu’à l’entraver, que l’on pense par exemple à l’importance du thème des droits dans la formation des agents d’éducation et de santé. Ce cadre de référence théorique permet d'identifier le lien entre sphère symbolique et « insertion sociale » des sujets en tant que mode d'approche des représentations sociales comme systèmes ouverts au changement, susceptibles d’évolution. La recherche du « principe de cohérence » qui structure le champ de représentation des droits de l’homme concerne ces organisateurs socioculturels qui ont une incidence sur les contenus et les dimensions qui caractérisent la représentation. Un intérêt particulier est accordé à l’approfondissement du processus d’ancrage, qui intervient en amont et en aval de la formation des représentations et en assure l’incorporation dans le social (Jodelet, 1989, pp. 67-68 éd. it.).
La représentation sociale du droit à la santé / Petrillo, Giovanna. - STAMPA. - (2008), pp. 207-220.
La représentation sociale du droit à la santé
PETRILLO, GIOVANNA
2008
Abstract
La sphère complexe du droit à la santé peut être utilement explorée à partir des différentes optiques disciplinaires. En privilégiant celle de la psychologie sociale, nous avons considéré le droit à la santé selon l'angle des représentations sociales, en nous basant plus particulièrement sur l’étude des représentations sociales des droits de l’homme. Ce paradigme se réfère, tant théoriquement que méthodologiquement, aux droits en général ou à des typologies particulières de droits relativement à des catégories sociales spécifiques (Doise, 2001 ; Petrillo, 2005). Sur le plan théorique, nous nous sommes référés en particulier à l’approche socio-dynamique, qui dans la lignée des indications conceptuelles fournies à l’origine par Farr et Moscovici (1984) et par Jodelet (1984, 1989) considèrent les droits de l’homme comme des représentations sociales normatives (Doise, 1992 ; Doise et al, 1995). Le caractère normatif des droits de l’homme se réfère d’un côté à l’objectivation et de l'autre à l'ancrage. La première se manifeste par les éléments partagés par une population donnée, le second s’exprime à travers les appartenances socioculturelles et permet de saisir les différences existant entre individus et groupes sociaux. Du reste, ces articulations sont nécessaires si l’on considère les fonctions de notre système de représentations : fonctions éminemment adaptatives de contrôle de l’environnement et d’orientation de l’action. Le caractère « pratique » du savoir de sens commun a été plusieurs fois souligné, étant donné l’importance des représentations dans la vie quotidienne. Nos liens avec les autres qu'ils soient conflictuels ou non, sont dans tous les cas indispensables pour prendre une position par rapport aux divers aspects du monde social. « Qualifier ce savoir de ‘pratique’ ramène à l’expérience dont il dérive, aux domaines et aux conditions dans lesquels il se situe et surtout au fait que la représentation sert à avoir un effet sur le monde et sur les autres. Ceci nous entraîne à analyser ses fonctions et son efficacité sociale » (Jodelet, 1989, p. 56 éd. it.). En ce sens, la santé constitue un domaine privilégié, comme l’a démontré, entre autres, Jodelet par ses travaux de recherche sur les liens entre représentations de la maladie mentale et les interactions avec les malades mentaux (Jodelet, 1987), ou bien entre les représentations du corps et les pratiques d’allaitement (Jodelet et Ohana, 2000). Nous devons donc nous interroger sur les fonctions de la représentation sociale du droit à la santé dans l’adaptation ‘pratique’ du sujet à son environnement. La diffusion croissante dans la société de la « mentalité juridique » a introduit l’affirmation codifiée des droits de l’homme. D'une part, le commun des mortels se comporte comme une sorte de « juge dilettante », il s’approprie des principes juridiques et s'en sert comme caisse de résonance selon les caractéristiques propres à la pensée naturelle. D’autre part, le rôle de la représentation sociale des droits de l’homme peut aussi bien servir à soutenir l’assimilation du savoir juridique qu’à l’entraver, que l’on pense par exemple à l’importance du thème des droits dans la formation des agents d’éducation et de santé. Ce cadre de référence théorique permet d'identifier le lien entre sphère symbolique et « insertion sociale » des sujets en tant que mode d'approche des représentations sociales comme systèmes ouverts au changement, susceptibles d’évolution. La recherche du « principe de cohérence » qui structure le champ de représentation des droits de l’homme concerne ces organisateurs socioculturels qui ont une incidence sur les contenus et les dimensions qui caractérisent la représentation. Un intérêt particulier est accordé à l’approfondissement du processus d’ancrage, qui intervient en amont et en aval de la formation des représentations et en assure l’incorporation dans le social (Jodelet, 1989, pp. 67-68 éd. it.).I documenti in IRIS sono protetti da copyright e tutti i diritti sono riservati, salvo diversa indicazione.